PROLOGUE
Music ♪
Je n'étais pas préparée. Pas assez, du moins. Le tsunami a tout emporté. J'ai trop changé pour avoir encore une fierté. Je n'ai pas assez souffert de cette transformation, sûrement... Mais il y en a d'autres qui seraient déjà morts. On a volé mon âme, c'est trop dur... Qui a volé mon âme ? Moi-même. Je l'ai déchirée, je l'ai jetée à la poubelle. J'aimerais revenir en arrière, mais c'est impossible. On ne peut pas remonter le temps. Il coule, coule, dans la vallée de nos existences insignifiantes. Dire qu'avant, je regardais paisiblement les aiguilles tourner dans le cadran. Le temps m'est compté, mon regard est anxieux. Non, je n'ai aucune fierté. Je me suis traînée dans la boue. Pourquoi personne ne m'a sauvée ? Ils étaient tous occupés, les imbéciles. Je leur ferai voir, moi, si je suis occupée, la prochaine fois. Ils sont passés à côté de moi trop souvent. Ils n'avaient pas le droit de me laisser mourir ! Mais... si, au fond. Ils ont eu raison. De m'abandonner crevante sur le trottoir de la vie. Mais je n'étais pas préparée à ça ! C'est cruel.
Ils masquent leur cruauté sous de faux airs, les malins ! Ils se cachent derrière un sourire faussement compatissant. Je les déteste tous ! Ma cage était peut-être trop solide... ? Mais non, ils n'avaient pas la force de me jeter ne serait-ce qu'un coup d’œil, moi, fille agonisante sans que personne le sache ! C'est peut-être ma faute... Je n'ai rien dit. Mais est-ce que ça ne se lisait pas assez sur mon visage ?! Non, ils ont juste fait semblant d'être aveugles ! Mais quand il s'agit de leurs plaies, ils acceptent enfin d'ouvrir les yeux. Étais-je invisible ? Ou trop bonne comédienne ? Et alors, qu'est-ce que ça change ?! Je n'ai plus d'avenir, à cause d'eux ! C'est leur faute !... et la mienne. Quand cesseras-tu de te lamenter ?! Tu n'arriveras jamais à rien comme ça. Je sais, je sais, je le sais trop bien ! J'ai appris la chanson par cœur. Plus la peine de le répéter.
Et si c'était déjà trop tard ? Si je n'étais plus rattrapable ? Je crois bien que j'étais trop faible pour la vie. Non, non, non ! C'étaient les autres qui étaient trop fortes. Je suis morte de l'intérieur... Est-ce que quelqu'un l'a remarqué ? Non. Pourquoi ce mot est-il la réponse à toutes mes questions ? Et si j'arrêtais de m'en poser, tout simplement ? Ça reposera mes méninges chauffées à blanc. Je n'en peux plus. Est-ce que la nuit est toujours aussi longue ? Oui, pour ceux qui sont encore éveillés, comme moi. Mais ceux qui dorment... ils en ont, de la chance. Insouciants, paisibles, imbéciles heureux ! Je les déteste ! Pourquoi est-ce qu'ils s'assoupissent alors que je dois rester à ruminer ces stupides interrogations ?! Pourquoi personne ne vit ce que moi j'ai dû endurer ?! Ils n'ont pas le droit au bonheur ! Pas après ça !
Je ferais mieux de me glisser dans les couvertures et essayer de fermer mes prunelles. Mais mon sommeil sera agité, et je ne pourrai jamais me reposer ! Que je déteste la nuit ! Mais... comme je l'aime. La nuit, personne ne m'entend pleurer, j'ai enfin la paix. Personne ne voit à quel point je suis faible... Personne ne voit mon désespoir ! Je ne leur donnerai jamais cette satisfaction, celle de m'avoir brisée à tout jamais. Jamais jamais jamais ! Ils seraient trop contents, les imbéciles heureux ! Je veux qu'ils souffrent au plus profond de leur être, je veux qu'ils saignent ! Oui, je pense vraiment que je vais devoir m'assoupir, même si les cauchemars hantent mon esprit. Avant que je ne fasse quelque chose d'irréfléchi. Ce n'est plus moi... J'appartiens aux autres. Mais je ne suis pas une poupée... mais je suis de chiffon. Faible à en mourir. Je ne sers à rien ! Si seulement je pouvais m'allonger et ne plus jamais me relever... je n'en ai pas le courage.
Je n'ai jamais eu les tripes de faire quoi que ce soit !
Je tourne en rond dans la chambre baignée par le clair de lune. Une autre nuit blanche... Quelle différence ça fera ? Je ne dors presque jamais, sauf les jours où je tombe de fatigue. Je rends ma mère folle. D'ailleurs, la voilà, je l'entends grimper l'escalier. Je dois l'avoir réveillée. Oups... Quoique. J'm'en fous. Elle n'oserait pas me frapper. Elle aussi, elle est faible ! C'est de famille ! Je la déteste aussi. Enfin des fois... La poignée tourne lentement, en grinçant. Je serre les dents. Je hais ce bruit. Elle rentre sans me demander la permission et referme doucement derrière elle. Elle fait courir son regard de haut en bas. Elle soupire quand elle voit que je fais les cent pas toute habillée sur mon vieux parquet.
« Marine... Dès que mon nom résonne, je me retourne tout d'un bloc.
– Quoi ?! Je lui crache presque à la figure.
– Tu es sûre que tu ne veux pas voir un psychiatre ? Tu m'inquiètes. Tu ne dors plus la nuit, tu es agressive...
– Qu'est-ce que ça peut te faire ?! Je dors quand je veux, et j'ai mes raisons d'être agressive. » Des fois, j'aimerais vraiment lui expliquer ce qui se passe dans ma tête, mais c'est trop compliqué. Je ne maîtrise rien, ça fait bien longtemps que j'ai perdu le contrôle de mes paroles et de mes actes. Je n'arrive même plus à penser par moi-même.
Il m'est impossible de parler de ce qui s'est passé.
Je la pousse gentiment, mais néanmoins sans une pointe d'impatience, vers la porte que je lui claque au nez.
Mais à vous, je peux vous la raconter, la terrible histoire qui m'a transformée en ce monstre d'égoïsme et de folie.